Et si nous imaginions ensemble ?
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Publié le 01.09.2021

Et si nous imaginions ensemble ?

Allier le jeu, l’écriture et la lecture pour accompagner le patient vers un mieux-être

Dans le cadre de l’offre de soins proposée au Centre Lyonnais de Psychiatrie Ambulatoire (CLPA), l’atelier thérapeutique « Imaginons ensemble » encourage les jeunes adultes à lâcher prise, grâce à l’écriture. À raison de cycles de huit séances, alternant écriture individuelle et écriture groupale, patients comme thérapeutes écrivent un conte.

Lou Tixier, psychologue clinicienne et Olivier Fuentes, infirmier de secteur psychiatrique, racontent les objectifs thérapeutiques de cet atelier qu’ils animent depuis plusieurs années.

Une prise en charge adaptée aux jeunes adultes

Lorsqu’un jeune patient, qui n’a jamais été confronté à la psychiatrie, entame une démarche de soins en groupe, il s’imagine souvent que son mal-être est unique. Mais quand il se retrouve avec plusieurs personnes de la même tranche d’âge que lui, cette illusion laisse place à un sentiment d’identification mutuelle. C’est à partir de cette identification, que les thérapeutes peuvent amorcer un travail psychique :

Au sein d’un groupe, les symptômes des uns font échos à ceux des autres, et les participants se sentent soutenus dans leur souffrance. C’est un encouragement réciproque qui suscite des idéaux partagés. Cette identification renforce la cohésion de groupe. En animant l’atelier « Imaginons ensemble » nous avons pu appréhender l’intérêt particulier que l’écriture, associée à une pratique thérapeutique en groupe, peut revêtir pour des jeunes adultes. Il y a de nombreux enjeux psychiques lors de ce moment de la vie et à travers un atelier thérapeutique alliant le jeu, l’écriture, la lecture et les échanges, nous pouvons créer un point d’appui permettant une amorce d’élaboration psychique de ces problématiques, explique Lou Tixier.

Un dispositif qui suscite la création, la rêverie et l’imaginaire

L’atelier « Imaginons ensemble » se déroule autour d’un plateau de jeu et de cartes imagées. La partie permet de collecter un recueil d’images à partir duquel l’histoire est construite :

Nous souhaitons que notre atelier puisse favoriser l’expression personnelle des pensées, des sentiments et ressentis et que l’échange en groupe soit facilité. Ces échanges créent une cohésion permettant la création, la rêverie et le développement de l’imaginaire. Le travail sur le conte donne la possibilité de se replonger dans le monde de l’enfance tout en se questionnant sur son identité d’adulte, façon aussi de revisiter l’infantile pour dépasser ses problématiques actuelles. Trouver du plaisir, s’amuser, jouer avec les mots, pouvoir rire sont aussi des expériences intenses et hautement libératrices dans les thérapies de groupe, explique Lou Tixier.

Cet atelier a différents objectifs thérapeutiques, mais c’est surtout le patient qui peut témoigner de ce que cet atelier a pu lui apprendre et comment cela a généré un travail psychique. 

Personnellement, cet atelier m’a permis, au hasard des cartes piochées à chaque séance, de mettre des mots sur mes émotions, sur des expériences que je n’avais jamais eu l’occasion d’exprimer et de les partager avec les autres membres du groupe que j’ai trouvé très bienveillants. L’écriture groupale m’a permis de trouver ma place au sein du groupe et de travailler en cohésion avec les autres afin de produire un conte collectif à notre image, explique une patiente.

En participant aussi activement à l’écriture du conte en tant qu’animateurs du groupe, Lou et Olivier sortent de leur rôle de « sujet-censé-savoir », afin que les patients puissent en partie s’identifier à eux.

Nous mettons ainsi à disposition notre appareil psychique et nos propres imaginaires, désirs, intériorité au service du groupe. Dans les séances d’écriture groupale nous essayons, en premier lieu, de ne pas tenir compte ni de l’orthographe, ni de la grammaire, ni du souci d’une belle présentation, qui viendront plus tard. On ne craint pas non plus les ratures, au contraire, on rédige brouillons sur brouillons. On travaille et on retravaille le conte. Nous sommes comme des artisans qui, pour fabriquer un objet et façonner la matière, laissent tomber des débris et admettent le désordre, ce qui met au travail le besoin de perfection et de contrôle de certains patients. On aborde ainsi symboliquement la notion de chaos et de cosmos ou comment de ce désordre, va émerger la créativité et leur propre création à travers l’union des contraires, raconte Olivier Fuentes.

La conduite du travail en groupe présente plusieurs enjeux : Comment les patients parviennent-ils à s’entendre pour produire un seul texte ? Comment apprennent-ils à s’écouter les uns les autres et à accepter le résultat de la majorité, même s’ils ne sont pas d’accord ? Comment traiter les rivalités et ne pas se laisser aller à la paresse quand l’un d’entre eux prend trop d’initiatives ? C’est dans la gestion et l’anticipation de ces problématiques, que Lou et Olivier parviennent à favoriser les échanges pour générer le travail psychique.

À chaque étape, nous relisons le texte à haute voix. Chacun fait alors des remarques ou pose les questions nécessaires pour améliorer l’expression, rendre le récit plus clair et plus cohérent. Chacun apporte ses propres connaissances. À la fin de la création, le conte est écrit de la main de tous, dans un joli carnet appartenant au groupe avec les images utilisées pour laisser une trace de notre travail ensemble. Il est également saisi sur ordinateur et distribué aux patients à la fin du cycle, de façon à ce que chaque participant ait un recueil du conte, complètent-ils.

Le travail thérapeutique, entre imaginaire et réalisme

Sous couvert d’un personnage fictif, le patient peut affronter ses propres craintes, exprimer ses sentiments, parler de ses préoccupations et exprimer sa personnalité. Écrire un conte permet aux jeunes adultes d’exprimer des sentiments forts, réprouvés par les conventions morales : l’agressivité, la mort, la faiblesse, la peur... Par le biais de champs de bataille, de meurtres, de fantômes sanglants ou de monstres invisibles, ces visions confiées au papier et au groupe permettent de les rendre plus acceptables et moins angoissantes.

Au cours de l’atelier, les participants prennent confiance en eux et peuvent se livrer à leur fantaisie et jouer avec leur imagination. Ils comprennent mieux l’importance du travail d’écriture, ils apprennent à mieux travailler en groupe et à accepter le regard des autres. Enfin, sous le couvert d’un récit hautement symbolique, ils peuvent se projeter dans des personnages qui, à leur place, expriment leurs difficultés, souffrances mais aussi leurs désirs, leurs attentes, leurs espoirs, concluent-ils.

Lucy, Charlotte, Aliénor, Harmonie, (sans oublier Agnès et Chloé qui ont participé à une partie du cycle) sont fières de vous présenter « La pièce (dé)montée ». Pour vous permettre une immersion dans le conte, nous avons enregistré la lecture du texte en incarnant chacun un bout de notre histoire, entre narrateur et personnages. Cliquez ici pour la découvrir : La pièce (dé)montée.
 


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