Comment bien vivre le confinement ?
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Publié le 20.04.2020

Comment bien vivre le confinement ?

"Bien vivre le confinement, c’est accepter avant tout de vivre différemment. Nous vivons dans une société où l’on peut pratiquer une grande diversité d’activités, où nous sommes amenés à avoir de multiples interactions, jusqu’à la surconsommation ou l’épuisement parfois"

Après un bref passage dans le secteur hospitalier, principalement en addictologie, le Docteur de la Chapelle a exercé plusieurs années dans une clinique psychiatrique. Titulaire d’un DESC d’addictologie et d’un DIU de Thérapie Comportementale et Cognitive, dont il est co-responsable à présent, il exerce aujourd’hui au Centre Lyonnais de Psychiatrie Ambulatoire Inicea.

Comment les patients en psychiatrie vivent le confinement ? Comment mieux le vivre ? Qu’en-est-il de la téléconsultation ? Le Dr de la Chapelle répond à ces questions et nous livre son analyse du post-confinement.

En plein confinement depuis plusieurs semaines, quelle est votre analyse quant au vécu de vos patients ?

Les patients sont soumis à ce que vit la population générale, mais ils vivent très diversement cette expérience insolite qu’est l’isolement imposé. Pour certains, cela fait écho à des vécus antérieurs, il n’y a donc pas à proprement parler de surprise ou de sidération.

Une patiente souffrant de troubles autistiques me disait même que ce confinement était une habitude pour elle, et qu’elle pensait que cette situation « handicapante » engendrée par la crise actuelle allait permettre aux gens « valides » de mieux comprendre ce qu’est une vie entravée.

Mais ne nous trompons pas : si certains patients phobiques sociaux ou traumatisés ont pu voir avec ces premières semaines de confinement une atténuation de leurs symptômes, ceci ne peut être que temporaire et, la situation se prolongeant, les problèmes et la souffrance psychique s’aggraveront également.

Quels sont vos conseils pour bien vivre le confinement ?

Bien vivre le confinement, c’est accepter avant tout de vivre différemment. Nous vivons dans une société où l’on peut pratiquer une grande diversité d’activités, où nous sommes amenés à avoir de multiples interactions, jusqu’à la surconsommation ou l’épuisement parfois. Idem pour le travail.

Accepter l’expérience du confinement, c’est prendre du temps avec soi comme avec ceux qui partagent ce confinement avec nous. C’est réinvestir un rôle de parent, un rôle au sein d’une entreprise, et surtout un rapport à soi.

Avec ce temps qui nous est accordé, du fait de la raréfaction des activités, il est important de sortir d’une passivité qui nous guette tous au quotidien…En cette période, combien de parents ont pu mieux appréhender, ou redécouvrir, au contact de leurs enfants, la complexité et l’importance d’être scolarisé…comme d’être enseignant ! Cela peut permettre une meilleure compréhension du rôle de chacun, et une juste implication du parent…une fois que la scolarité aura repris son cours habituel !

Il y a des situations plus difficiles, celles de solitude extrême par exemple. Dans ces cas, savoir demander de l’aide est essentiel. Se renseigner sur ce qui est fait autour de soi, dans son « périmètre de sécurité »

Les initiatives ne manquent pas, il est important de se renseigner. Et, encore une fois, de ne pas ajouter à la solitude de fait une passivité qui aggraverait notre état, une forme d’« auto-exclusion ». Se rappeler, aussi, que cette situation n’est que temporaire….

Le médecin que je suis ajoutera qu’adopter des rythmes réguliers est primordial, tant au niveau du sommeil, de l’alimentation, des activités physiques que de la conservation d’une fréquence minimale d’interactions sociales, même « dématérialisées ». Ainsi qu’une vigilance accrue face aux situations source d’abus et d’addictions : alcool, médicaments, nourriture, informations en continu…

Vous pratiquez la téléconsultation, quels en sont les bénéfices et les limites ?

C’est très difficile pour un médecin d’être à distance de son patient, en tout cas pour moi ça l’est. Il y a dans la relation thérapeutique, dans l’intimité de l’entretien psy, l’importance de ce qui est confié, et qui nous est rappelée par le serment d’Hippocrate et la nécessité que cela soit protégé par un secret professionnel, quelque chose qui est de fait compromis.

Je ne parle même pas de l’incertitude quant à la confidentialité et à la sécurisation des données, qui est un vrai sujet, mais tout simplement du climat et de la distance interhumaine nécessaires à la possibilité de se livrer, d’être en confiance. De la capacité à accueillir, à partager, à apaiser une émotion, un moment difficile.

Après, je ne cache pas qu’au vu du contexte la téléconsultation est un outil indispensable et formidable, qui nous apprendra probablement beaucoup quant à notre capacité à être en lien avec le patient sous diverses formes, non limitées à la présence en cabinet. Mais, pour moi, j’en suis encore au stade de la difficulté à renoncer à une dimension importante de mon exercice.

Comment les équipes de l’Hôpital de jour dans lequel vous travaillez se sont-elles organisées ?

Nous avons été très rapidement obligés de limiter les rassemblements et la circulation des patients au sein du Centre Lyonnais de Psychiatrie Ambulatoire. Nous avons aussitôt mis en place une cellule d’aide téléphonique aux patients grâce à l’équipe infirmière. Chaque patient a un infirmier référent avec qui il garde un contact téléphonique régulier. Dès qu’un besoin plus important ou une souffrance plus aiguë sont constatés, j’interviens en téléconsultation.

De même, notre assistante sociale est régulièrement mobilisée pour aider les patients à y voir clair car les situations administratives floues ou complexes sont plus fréquentes. Enfin, petit à petit, les patients peuvent reprendre leurs suivis psychothérapiques habituels, là aussi sous forme de téléconsultation.

Selon vous, comment se déroulera l’après-confinement ?

La période va être sujette à de grandes incertitudes. Cette crise sera probablement suivie d’autres, et je pense à nos patients déjà fragilisés par la vie et la maladie, qui vont devoir faire face encore plus que les autres et souvent avec moins de moyens que les autres aux désordres à venir.

Les troubles de l’adaptation seront le lot de beaucoup, et il faudra nous aussi nous adapter dans nos accompagnements, dans nos prises en charge.

Il y aura aussi des drames, des deuils… Le virus une fois en reflux, et la quasi-paralysie sociale qu’il aura entraînée, vont laisser apparaître, je le crains, des situations sanitaires décompensées. On ne peut pas dire que la prise en charge de la maladie psychiatrique chronique ait été particulièrement sanctuarisée pendant cette période…

Enfin, il est tout à fait possible que, par stratégie d’adaptation et de survie, le corps social refoule et occulte très rapidement les différents aspects potentiellement traumatiques de cette crise. Ce qui n’est pas forcément une bonne chose, déjà parce qu’il est nécessaire d’apprendre de tout cela. Mais la mise en place de mesures si massives, et surtout le temps qu’il faudra pour en sortir, rendent l’hypothèse de l’amnésie post traumatique groupale peu probable…

=> Vous éprouvez des difficultés à vivre le confinement ? Vous êtes anxieux, en détresse ou vous craignez d’être infecté ? Consultez la cellule de soutien en cliquant ici.
=> Pour en savoir plus sur l’Hôpital de jour de Lyon - Inicea, cliquez ici.


Un manuel sur la pratique des TCC : thérapies comportementales et cognitives, co-écrit par le Dr de la Chapelle

Pratiques-TCC-GDLC.jpg Pratique des thérapies comportementales et cognitives au quotidien, éditions Lavoisier

Cet ouvrage est destiné à actualiser les bases de prise en charge des principales pathologies psychiatriques, mais aussi certains domaines plus transversaux et moins fréquemment abordés comme la sphère professionnelle, le sommeil ou le vieillissement. "Je ne suis que co-auteur, le principal mérite en revient aux Drs Evelyne Mollard et Christian Juenet, des références dans le domaine de la TCC française, et dont j’ai eu l’honneur d’être l’élève. Ce guide a été rédigé avec comme premier objectif la lisibilité, la participation active du patient dans ses soins – nous voulions d’ailleurs, tout au long de l’écriture, qu’il soit accessible au patient lui-même". explique le Dr DLC.

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