Dr Stéphane Mouchabac, membre du comité scientifique Inicea, explique le facture génétique et la biologie de l’anorexie.

 

Quel facteur génétique pour l’anorexie ?

De nombreux travaux ont permis de mieux comprendre comment la régulation de la balance faim / satiété pouvait être perturbée dans l’anorexie, et quels mécanismes activent ou inactivent les comportements alimentaires. Les études en génétique soutiennent le caractère « héritable » de l’anorexie, c’est-à-dire la part génétique pouvant expliquer ce trouble. Certains auteurs estiment qu’elle est de 70 % dans l’anorexie.

Chez les apparentés au premier degré d’une personne souffrant d’anorexie, on retrouve jusqu’à 12 fois plus de risque de développer la même pathologie. Les études de jumeaux, qui sont utilisées pour déterminer la variance explicative de la génétique, montrent que des facteurs génétiques influencent en partie la maladie. Concrètement, il existe une vulnérabilité (risque de déclencher le trouble), qui rencontre un événement déclencheur (souvent un régime) et qui se maintient ou non (autres facteurs de vulnérabilité).

Au niveau biologique

Dans le cerveau, ces neuromédiateurs modulent la neurotransmission pouvaient être perturbés et entraîner des comportements anormaux. Il existerait dans l’anorexie des perturbations de l’équilibre fonctionnel de la sérotonine et de la dopamine.

On sait que lorsque l’on mange, le cerveau obtient du plaisir via la dopamine, qui produit une récompense liée au plaisir perçu et encourage à reproduire ces comportements de recherche et consommation d’aliments essentiels à notre survie. Or, des chercheurs ont montré que chez les personnes souffrant d’anorexie, la dopamine serait plutôt associée à des comportements d’anxiété au lieu du plaisir attendu : en clair, manger produit une forme de stress. Il semblerait aussi que la dopamine soit moins synthétisée dans le cerveau que chez les sujets non anorexiques.

La sérotonine jouerait aussi un rôle dans la régulation de l’humeur, mais aussi de l’appétit. Il est difficile de déterminer avec précision à quel niveau se situent les altérations, mais plusieurs récepteurs cellulaires à la sérotonine sont probablement impliqués : le 5HT1A (qui module l’appétit et peut produire une perte de l’appétit) et 5-HT2A (modulation de nombreuses neurohormones et du relargage de la dopamine). L’utilisation de techniques d’imagerie cérébrale spécifique (PET-SCAN ou SPECT) a montré que ces récepteurs « fixent » moins la sérotonine.

De même, la baisse de la sérotonine peut s’accompagner de modifications des comportements tels que l’anxiété, le perfectionnisme ou certaines tendances obsessionnelles. On retrouve dans le liquide céphalo-rachidien une augmentation de certains métabolites de la sérotonine, ce qui montre qu’elle est dégradée en excès et de ce fait, sa concentration est plus basse dans le cerveau. De plus, si on diminue les apports en tryptophane, qui est un précurseur de la sérotonine, on constate une augmentation des comportements anorexiques.

D’autres molécules agissent plus directement sur la balance métabolique et le sentiment de faim et de satiété, souvent en modulant l’activité de l’hypothalamus. La leptine (étymologiquement « mince » en grec) est une hormone fabriquée dans les tissus adipeux qui régule la faim en provoquant une sensation de satiété, elle est donc anorexigène.

Elle contrebalance d’autres hormones qui elles, ont un rôle orexigène, c’est à dire augmentant la faim : il s’agit surtout de la ghréline. En cas de déséquilibre de ce système, alors on observa des perturbations des conduites alimentaires. Il a été montré que d’une part, lorsque la personne maigrit, elle perd du tissu adipeux, donc produit moins de leptine qui peut entraîner des accès boulimiques dans certaines formes. Pour la ghréline, des travaux ont montré une diminution de ces formes actives chez les anorexiques.

Enfin le BDNF, qui est un facteur neurotrophique, agit sur la neuroplasticité, la croissance neuronale et leur adaptation, montre aussi des anomalies dans le cadre de l’anorexie.

Une mutation connue est retrouvée aussi dans l’anorexie (variant fonctionnel Val66M du gène du BDNF). Au niveau des travaux en neuroimagerie, il a été mis en évidence des perturbations fonctionnelles entre différentes régions impliquées dans la régulation des comportements alimentaires, en lien avec des défauts de connectivité. Le système de la récompense est moins activé lorsqu’il est exposé à de la nourriture (comme nous l’avons déjà expliqué avec la dopamine), la région cingulaire antérieure s’accompagnerait d’un contrôle trop important des cognitions en lien avec l’alimentation.

Enfin, d’autres régions impliquées dans la perception sensorimotrice et le schéma corporelle seraient aussi perturbées, expliquant les altérations de l’image de soi.

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