La dépression post-partum est une maladie encore peu connue, voire taboue, qui touche 10 à 15 % des mères selon un rapport de la Commission des 1 000 premiers jours. Pour cette raison, il est essentiel de libérer la parole sur le sujet. De quoi s’agit-il exactement ? Quelle différence avec le baby-blues ? Quelles sont les solutions pour s’en sortir ? Explications avec le Dr Gadenne, psychiatre à la Clinique Villa des Roses à Lyon, un établissement privé de santé mentale du groupe Inicea.

Qu’est-ce que la dépression post-partum ?

La dépression post-partum est une maladie psychiatrique qui touche de nombreuses femmes après la naissance de leur enfant. Également appelée dépression post-natale, elle peut apparaître à tout moment au cours de l’année qui suit la naissance du bébé. Elle se manifeste par des symptômes de tristesse, de fatigue, de culpabilité et de grandes angoisses centrées autour de l’enfant.

Dépression post-partum, baby blues : quelles différences ?

Le baby blues se différencie de la dépression post-partum au niveau de l’intensité des symptômes, de leur durée ainsi que de leur origine. En effet, le baby blues se manifeste dans les jours qui suivent la naissance et dure généralement 2 à 6 jours. Il concerne environ 50 à 80 % des femmes qui accouchent.

Après l’accouchement, la jeune mère est soumise à une brutale chute d’hormones associée à une modification de ses rythmes de sommeil. Ses émotions sont donc plus instables pendant quelques jours. Elle peut se sentir triste et ressentir de l’inquiétude par rapport à ses capacités à s’occuper de ce nouvel enfant. Elle peut en outre être submergée par les émotions, ce qui peut se traduire au niveau par des pleurs et une certaine irritabilité. Elle peut également avoir le sentiment de ne pas être suffisamment soutenu par le père ou l’entourage.

Le Dr Gadenne explique que le baby blues est une réaction tout à fait normale et naturelle, causée par les changements physiques, hormonaux et psychologiques liés à l’accouchement. Avec le soutien de l’entourage et des professionnels de santé, tout rentre dans l’ordre rapidement, généralement dans les 10 jours qui suivent l’accouchement.

Néanmoins, si ces émotions négatives perdurent et que cette baisse de moral dure plus de deux semaines, c’est peut-être le signe d’une dépression post-partum… Le baby blues est un état passager fréquent, alors que la dépression post-partum est un réel trouble psychiatrique qui s’installe dans le temps. Les symptômes sont invalidants et leurs répercussions, tant sur la vie de la maman que de l’enfant, peuvent parfois être graves.

La dépression post-natale chez les pères

Comme les jeunes mamans, les papas peuvent vivre dans la période précédant l’arrivée de leur bébé et longtemps après, une dépression. La naissance d’un enfant représente un changement de vie et de rythme, des nuits hachées et de nouvelles responsabilités qui peuvent tout aussi bien impacter le père que la mère.

Des études révèlent que la prévalence de la dépression post-natale chez les pères irait jusqu’à 8 %. La société évoluant, les pères s’impliquent de plus en plus dans la vie de la famille et l’éducation des enfants. C’est pourquoi ces chiffres augmentent.

La dépression post-natale chez les pères se manifeste par des symptômes similaires à ceux de la maman, centrés sur cette nouvelle vie de parent (tristesse, fatigue, troubles cognitifs, perte de poids, troubles de l’appétit et du sommeil, angoisses et craintes excessives…). Toutefois, le Dr Gadenne précise que l’on retrouve généralement, en plus chez les papas, des conduites addictives de type consommation d’alcool ou de drogues pour soulager toutes ces angoisses. 

Si ces symptômes s’installent et qu’ils sont d’une intensité suffisamment importante pour altérer la qualité de vie du jeune papa, il ne faut pas attendre et se tourner vers un professionnel de santé, à commencer par son médecin généraliste.

Quels sont les symptômes d’une dépression post-partum ?

Les symptômes d’une dépression post-partum sont proches de ceux de l’épisode dépressif caractérisé.
Voici les signes qui doivent alerter : 

  • une fatigue intense ; 
  • des douleurs physiques ;
  • des pleurs incontrôlables ;
  • une difficulté à gérer le stress ; 
  • de l’irritabilité ;
  • une dévalorisation de soi ;
  • des craintes excessives centrées sur l’enfant et sur sa capacité à bien s’en occuper ;
  • de la culpabilité ;
  • des angoisses autour de l’état de santé de l’enfant ;
  • des phobies d’impulsion comme la peur de faire du mal à son nouveau-né volontairement (dans les cas les plus extrêmes) ;
  • des idées noires.

Si ces symptômes se manifestent, il ne faut pas en avoir honte et ressentir de culpabilité. Il est essentiel de pouvoir en parler ouvertement autour de soi et de se rapprocher d’un professionnel de santé. La maman peut se tourner vers sa sage-femme, son médecin généraliste ou encore la PMI. 

Une prise en charge le plus tôt possible permet d’éviter des conséquences parfois importantes pour la santé de la mère, mais aussi pour celle de l’enfant, notamment au niveau de son développement affectif et émotionnel. En effet, il existe de réels risques d’apparition de troubles psychopathologiques, même tardifs, lorsque le lien mère-enfant ne se fait pas.

Critères de diagnostic et diagnostics différentiels

Les critères de diagnostic  

Les professionnels de santé posent le diagnostic d’une dépression post-partum lorsque les symptômes précédemment cités s’installent pendant une période d’au moins deux semaines et sont d’une intensité suffisamment importante pour altérer la vie de tous les jours de la patiente. 

Les critères de diagnostic d’une dépression post-partum sont les mêmes que pour un trouble dépressif caractérisé, avec une particularité toutefois sur laquelle les professionnels de santé vont se concentrer : les préoccupations et les angoisses disproportionnées centrées sur l’enfant et le doute sur la capacité à être un bon parent.
 

Les diagnostics différentiels 

D’autres maladies peuvent prendre la forme d’une dépression, comme des problèmes de thyroïde, de diabète, d’autres  maladies hormonales ou encore de pathologies neurologiques… Toutefois, le principal enjeu réside dans le fait que la dépression post-partum est encore trop peu reconnue.

En effet, le Dr Gadenne explique que, très souvent, au moment de la grossesse ou après un accouchement, les symptômes de la dépression post-partum sont banalisés, sous-estimés et généralement confondus à tort avec un baby blues. Les mamans ne sont pas suffisamment questionnées sur leur état et sur l’importance de leurs symptômes, et beaucoup de femmes ne sont pas diagnostiquées. 

Or, la dépression post-partum, comme les autres types de dépression (dépression réactionnelle, syndrôme anxio-dépressif…), est une réelle maladie dont les répercussions peuvent être graves. Il ne faut donc pas prendre ces symptômes à la légère et se faire accompagner le plus tôt possible par un professionnel de santé.

Comprendre les causes et facteurs de risque de la dépression post-natale

Plusieurs types de facteurs peuvent jouer un rôle dans le déclenchement ou la résurgence de la dépression post-natale.
Parmi les facteurs de risque, on retrouve :  

  • Des facteurs biologiques. Certains neurotransmetteurs et hormones, comme un taux de prolactine plus faible, un taux de progestérone plus élevé que la normale ou un fonctionnement thyroïdien diminué.
  • Les changements hormonaux de la grossesse et de l’accouchement. 
  • Des facteurs obstétriques, liés aux complications pendant la grossesse et l’accouchement.
  • Des événements de vie stressants (difficultés obstétricales pendant la grossesse ou à l’accouchement, santé du nouveau-né, décès d’un proche, licenciement, etc.) pendant la grossesse ou après l’accouchement. Ils semblent accroître le risque de dépression post-partum.
  • Le soutien social (famille, amis, travail) dont dispose la jeune mère, et le degré de satisfaction conjugale, c’est-à-dire le soutien qu’elle reçoit du père.
  • L’histoire psychiatrique personnelle de la mère. Si elle a des antécédents de dépression et/ou de burnout, les risques de récidive sont accrus.
  • L’histoire familiale de la mère. Si des personnes de sa famille ont déjà fait des dépressions, et plus spécifiquement des dépressions post-partum, la future maman sera généralement plus vulnérable.

 Il n’existe pas une cause unique à la dépression post-partum, mais une combinaison de facteurs pouvant jouer un rôle dans son déclenchement et son maintien. 

Le Dr Gadenne ajoute que, dans notre société, on parle encore très peu des difficultés rencontrées lors de l’arrivée d’un enfant, de la grossesse, de l’accouchement et du retour à la maison avec un nouveau-né… Lorsqu’il s’agit d’un premier enfant, on a tendance à particulièrement idéaliser la parentalité. Bien que cela soit un grand moment de joie et de bonheur, c’est aussi un profond bouleversement, que l’on peut qualifier de « crise identitaire », pouvant déclencher des réactions anxieuses importantes.

Infographie - La dépression post-partum

La prise en charge de la dépression post-partum

Aider une personne souffrant d’une dépression post-partum 

Pour les proches, il est important de ne pas prendre à la légère ce type de symptômes et de ne pas minimiser les ressentis de la maman. Au contraire, il convient de la soutenir et de l’encourager à consulter rapidement.

Le Dr Gadenne explique que pour aider une personne souffrant de dépression, il est important de la questionner, lui permettre de parler, de verbaliser sa souffrance et sa détresse. Il convient de lui expliquer qu’elle n’a pas à culpabiliser, et de lui rappeler que beaucoup de femmes traversent le même type de difficultés. Cela ne remet absolument pas en question sa qualité  de maman. 

L’attitude des proches est importante. Il est nécessaire de soutenir et de rassurer la jeune maman en lui expliquant que la dépression post-partum est une maladie de laquelle on peut guérir, grâce à l’accompagnement de professionnels de santé (infirmière, puéricultrice, médecin traitant, psychologue, psychiatre…).

Pour surmonter cette épreuve, il est souhaitable que la maman puisse se reposer un peu sur son entourage ou sur des personnes de confiance, capables de prendre le relai pour la soulager de cette charge mentale. Enfin, il est également essentiel que la jeune maman puisse prendre du temps pour elle, en ayant, par exemple, la possibilité de pratiquer une activité sportive ou manuelle. 

Conserver un lien social est fondamental lorsque l’on souffre de dépression. Pouvoir sortir avec ses amis de temps en temps sans culpabiliser et ne pas être exclusivement focalisée sur son nouveau quotidien de jeune maman, participe à la guérison et au bien-être général. 
 

La prise en charge médicamenteuse

Les antidépresseurs peuvent être proposés. Toutefois, Les professionnels de santé ne les prescrivent généralement pas en première intention lorsque les symptômes sont légers à modérés. Par contre, lorsque la dépression post-partum est sévère, un traitement médicamenteux en accompagnement d’une psychothérapie est indispensable. Si la femme allaite, il existe des solutions. En effet, certains antidépresseurs passent peu dans le lait maternelle et sont sans risque pour l’enfant.

Le Dr Gadenne rappelle que le principal enjeu du soin de la dépression post-partum est de favoriser l’interaction mère-enfant dès que possible, pour qu’il n’y ait pas d’impact sur le développement du nourrisson. C’est pourquoi il ne faut surtout pas culpabiliser si l’on doit prendre un traitement pour soutenir sa guérison.
 

Les psychothérapies

Il existe différents types de psychothérapies indiquées en cas de dépression post-partum, qui montrent globalement le même niveau d’efficacité :

  • la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) ; 
  • la psychothérapie de soutien ;
  • la psychothérapie psychodynamique. 

Des psychothérapies plus spécialisées pourront être mises en place, comme les psychothérapies mère-bébé, qui s’intéressent à la relation de la mère avec son nouveau-né afin de favoriser ce lien si important pour la construction future de l’enfant. Des centres de santé pluridisciplinaires regroupant différents professionnels de santé spécialistes (psychiatre, pédopsychiatre, sages-femmes…) proposent généralement ce type de prise en charge.
 

Les unités parents-enfants 

L’hospitalisation intervient en dernier recours. Toutefois, dans certains cas, lorsqu’il s’agit d’une dépression post-partum sévère, que la relation mère-enfant est fortement altérée, que la maman ne peut plus s’occuper de son enfant et/ou quand il y a des phobies d’impulsion, l’hospitalisation peut être nécessaire

La mère et l’enfant sont alors hospitalisés dans une unité parents-enfants pour ne pas rompre davantage le lien. Le travail de guérison s’effectuera d’une part sur la maman, mais aussi sur le lien mère-enfant. 

Pour conclure, le Dr Gadenne ajoute qu’il existe des associations et des réseaux d’entraide pour soutenir les mamans. Ces espaces permettent aux femmes de parler librement et sans jugement de leurs difficultés à être mère. 

En tant que maman ou future maman, si vous vous sentez angoissée, triste, dépassée, si vous estimez que vous êtes en détresse, n’hésitez pas à en parler autour de vous, à vous rapprocher de professionnels de santé ou d’une association. Ces types de symptômes sont assez fréquents après l’accouchement, mais ils se soignent et de nombreuses solutions existent pour vous aider.

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