Interview de Patrice Scanu - RespirActeurs
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Publié le 14.05.2024

Patrice Scanu : Regard de patient sur la BPCO

La bronchopneumopathie chronique obstructive (ou BPCO) est une maladie inflammatoire des bronches, responsable d’une gêne respiratoire, d’une toux chronique et d’une fatigue importante dûe à l'obstruction permanente des voies respiratoires. Encore peu connue du grand public et largement sous-diagnostiquée, elle est pourtant la cause de 3,23 millions de décès dans le monde en 2019 (Source OMS). Dans 80 % des cas, le tabac en est la principale cause.

Patrice Scanu, lui-même atteint d’une BPCO depuis 2003, est le Président de RespirActeurs, une association créée en 2020, pendant la première vague de la crise de la Covid-19. Elle est dédiée aux patients atteints de maladies respiratoires chroniques.

Quels sont les objectifs de votre association RespirActeurs ?

Patrice Scanu : Notre mission et nos actions au quotidien reposent sur deux piliers :

  • Informer et sensibiliser le grand public à cette maladie respiratoire. Nous participons à des événements pour être vus et avoir l’opportunité de pouvoir parler le plus possible de cette maladie. Par nos actions de sensibilisation, nous souhaitons sauver des vies. Nous souhaitons dire à chacun : « si tu tousses constamment et que tu es essoufflé, sache que ce n’est pas normal ».
  • Accompagner les patients atteints d’une BPCO, créer du lien, donner du sens à leur vie et leur redonner espoir. Notre association, qui propose une large palette d’activités encadrées par des professionnels de santé (journées ludiques, parties de golf, marches, défis sportifs, balades photo, ateliers théâtre…), permet de réunir des patients souffrant d’une BPCO et leurs aidants pour qu’ils ne sentent plus seuls face à cette maladie. Nous souhaitons leur permettre d’échanger, de créer des liens, de se divertir et de retrouver le sourire pour mieux vivre avec la maladie. Sur ces événements, les personnes bien portantes sont également conviées. Notre objectif est double, car nous souhaitons par la même occasion susciter des prises de conscience.

Comment se déroule l’un de vos événements récurrents, Respirez Golf ?

Il s’agit d’une journée golf organisée autour de la santé respiratoire où tout le monde se rencontre : patients, aidants, personnes non malades, pneumologues et kinésithérapeutes.

Au cours de la journée, il y a un jeu très symbolique que j’aime beaucoup proposer, celui du test respiratoire.

À mi-parcours, nous proposons aux participants de souffler dans un BPCO6, qui est un petit appareil ventilatoire permettant de donner un âge théorique respiratoire, en fonction du sexe, de l’âge, de la taille et du poids de la personne.

Parmi tous les participants, celui qui possède le meilleur score gagne un cadeau et celui qui possède le moins bon score se voit offrir une consultation chez le pneumologue.

J’aime ce jeu, car il est très percutant. Il permet de sensibiliser de manière ludique et peut-être d’avoir une prise de conscience. Certains participants seront agréablement surpris, car à 50 ans, ils possèdent un âge respiratoire équivalent à celui d’un trentenaire. A contrario, la prise de conscience sera plus dure, mais nécessaire pour des profils de personnes en manque d’activité physique, qui fument et ont l’habitude de boire quelques verres pour se décharger du stress après une dure semaine de travail.

J’aurais moi-même été très reconnaissant si, lorsque j’étais plus jeune, quelqu’un m’avait fait participer à un « jeu » comme celui-ci pour me faire prendre conscience que mon âge pulmonaire était équivalent au double de mon âge civil. L’électrochoc aurait été instantané.

Quel est le quotidien d’une personne qui souffre de BPCO ?

Tout dépend du moment où la maladie est détectée. Il faut savoir que la BPCO est une maladie respiratoire chronique irréversible et ça, il faut pouvoir l’accepter. Plus elle est détectée précocement et prise en charge rapidement, plus il est possible de ralentir son évolution et d’inverser certains symptômes.

La BPCO se manifeste par des signes cliniques tels qu’une toux chronique, des expectorations, un essoufflement. Ces symptômes s’installent progressivement et de manière insidieuse.

Les BPCO sont classées selon leur sévérité en 4 stades :

  • stade 1 léger : la personne n’est généralement pas consciente de son état ;
  • stade 2 modéré : un essoufflement gênant survient lors des activités quotidiennes ;
  • stade 3 sévère : l’essoufflement est récurrent, y compris lors d’efforts minimes ;
  • stade 4 très sévère : le patient est en insuffisance respiratoire.

Ma mission avec RespirActeurs est de tout faire pour parler le plus possible de cette maladie et de ses conséquences sur les patients et leurs aidants.

Je souhaite sensibiliser le plus grand nombre pour tenter de sauver des personnes encore jeunes qui, malheureusement, fument 1 à 2 paquets de cigarettes par jour. Je veux leur expliquer tout ce qu’elles ont à perdre.

Pour vous donner un exemple, à cause de ma maladie, j’ai perdu mon travail, ma famille, ma vie sociale, mon identité.

J’étais directeur des opérations de Bayard Presse avec beaucoup de collaborateurs sous ma responsabilité. Lorsque l’on m’annonce ma maladie fin 2002, je reçois encore 400 cartes de vœux pour la nouvelle année en début d’année 2003, un an plus tard je n’en reçois plus que 40, puis l’année suivante, plus que 5.

Je prends 40 kilos à cause de mon traitement aux corticoïdes. La personne avec qui je me suis marié lorsque j’étais jeune et beau et au sommet de ma carrière professionnelle, me quitte en me laissant seul avec mes 3 enfants.

Je vis à Paris dans un bel appartement haussmannien et mon pneumologue m’explique que si je veux survivre il faut impérativement quitter la ville et la pollution pour partir au grand air à la campagne.

J’ai 50 ans et je suis obligé de repartir à zéro, de tout recommencer. C’est ma réalité, mais c’est aussi la réalité de beaucoup de patients. C’est très dur psychologiquement.

C’est une maladie à l’impact considérable sur la vie de la personne atteinte, mais aussi sur celle de son entourage. Les aidants qui accompagnent pendant de nombreuses années des personnes souffrant de BPCO font preuve d’un grand courage.

C’est pourquoi l’association RespirActeurs me tient tant à cœur. C’est mon grand combat de sensibiliser les gens aux ravages de cette maladie, de leur ouvrir les yeux et de leur donner la chance de changer le cours des choses.

Mais aujourd’hui, très sincèrement, si l’on me proposait de me rendre mon job très bien payé dans un grand groupe et tout ce qui allait avec ma vie parisienne de cadre supérieur, je n’en voudrais pas. Je garderais mon association RespirActeurs, car aujourd’hui mes actions ont du sens. Ma pathologie a une utilité, celle d’aider d’autres personnes à mieux vivre la leur et de sensibiliser le plus grand nombre.

Quel est votre avis sur la réhabilitation respiratoire en clinique SMR Inicea ?

Je suis pris en charge dans l’une des unités fonctionnelles de Réhabilitation Respiratoire chez Inicea. Je suis accompagné sur les plans physiologiques, psychologiques et éducatifs. Depuis l’année dernière, je prends moins de corticoïdes et j’ai déjà perdu 15 kilos !

Le dispositif Inicea propose un accompagnement unique et une prise en charge personnalisée par une équipe pluridisciplinaire spécialisée dans les maladies respiratoires telles que la BPCO.

L’objectif est d’améliorer la qualité de vie des patients grâce à de nombreuses techniques (test d’effort, réhabilitation respiratoire, réentraînement à l’exercice, éducation thérapeutique, accompagnement à l’arrêt du tabac…).

C’est une maladie chronique lourde, cela ne finit jamais. Lorsqu’on est pris en charge en SMR chez Inicea, on est entouré et soutenu par toute une équipe de professionnels de santé dédiés à notre pathologie. Les ateliers thérapeutiques proposés sont très bénéfiques tant sur le plan physique que psychologique.

Il faut absolument que les patients qui entrent dans la maladie aient accès très rapidement à une réhabilitation respiratoire comme celle-ci dès la première ou la deuxième année.

Je parle de l’importance de la réhabilitation respiratoire à tous mes événements et j’incite les personnes à en parler à leur pneumologue.

Pour terminer, je vais vous parler de ma plus belle récompense depuis le début de RespirActeurs. Lors d’un événement à Montpellier, une petite fille arrive avec son papa, bien fatigué, atteint d’une BPCO à un stade 2. Elle voit ma barbe blanche et me demande si son papa va devenir vieux comme moi et j’ai pu lui répondre que c’est certain, son papa va même devenir plus vieux que moi. C’est pour ça que je mène ce combat, je ne peux pas oublier ce moment-là.

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