2. La neurobiologie

Au niveau du fonctionnement cérébral, on conçoit la dépression comme étant un défaut de communication entre les neurones en raison d’un déficit en neuromédiateurs, messagers de l’information.

Trois neuromédiateurs sont particulièrement importants pour le bon fonctionnement du cerveau et pour la stabilité du moral : la sérotonine, la noradrénaline et la dopamine. Cette hypothèse est avancée depuis les années 60 et la découverte des premiers antidépresseurs dont le mode d’action principal est d’inhiber la recapture de la sérotonine, c.-à-d. d’en augmenter son taux cérébral. Plus récemment, des données issues de la neuro-imagerie, de la neurophysiologie et de la biologie cellulaire et moléculaire ont permis d’associer la dépression à différents phénomènes neurobiologiques notamment un dysfonctionnement de la neuroplasticité. La neuroplasticité correspond à des changements d’organisation et de structure de certains éléments neuronaux, produisant, une modification ou une modulation de leur fonction (neurogénèse, apoptose, plasticité synaptique, réorganisation de la composition de réseaux neuronaux…).

Les modifications seraient fonction de facteurs de l’environnement dans lequel vit le sujet (ex : stress, alcool..) et de l’environnement dans lequel se trouve le système nerveux (ex : taux de glucocorticoïdes). Sachant que la sérotonine (5-HT) régule plusieurs aspects de la plasticité cérébrale et que la plupart des antidépresseurs efficaces facilitent la transmission 5-HT, il a été proposé que ces psychotropes exercent également leur effet thérapeutique en favorisant les processus neuroplastiques.

3. Cinq idées reçues

  1. La dépression est un manque de volonté

    La dépression est une vraie maladie. Il ne s’agit pas d’un manque de volonté ou d’une faiblesse de caractère.

  2. On peut s’en sortir par soi-même

    Vouloir s’en sortir exclusivement par soi-même peut compliquer les choses : accepter de l’aide est une première victoire sur la maladie.

  3. Il est impossible de guérir complètement d’une dépression

    Faux, les traitements disponibles sont efficaces même pour les dépressions sévères.

  4. Il n’existe pas de dépendance aux antidépresseurs

    L’arrêt prématuré d’un traitement antidépresseur augmente le risque de rechute.

4. Evolution des conceptions

Hier.

La psychiatrie est une discipline très dynamique qui a connu ces 10 dernières années de multiples avancées conceptuelles et pharmacologiques.

Les antidépresseurs les plus anciens sont moins utilisés au profit de nouvelle molécules généralement mieux tolérées. En plus de ces aspects biologiques, plusieurs théories étiopathogéniques tentent d’expliciter l’origine de la dépression.

La théorie psychanalytique s’attache à la notion de perte d’objet et rapproche le deuil et la mélancolie (dépression réactionnelle à l’époque de S.Freud, 1915). Cette perte d’objet est variée. Il peut s’agir d’une rupture avec une personne investie, d’une perte financière, de la perte d’un idéal ou encore d’un emploi. Elle comporte une identification à l’objet perdu. Elle représenterait, dans l’inconscient, la perte imaginaire de l’objet primitif, tutélaire, correspond aux premières relations maternelles de l’enfant.

La théorie cognitive de Beck (1974) est la plus connue. Elle postule qu’à l’origine de la dépression, existe un trouble la pensée. La perte de la logique de la pensée abouti à une succession d’erreurs et à une évaluation erronée, péjorative des événements, qui alimente la pensée dépressive. Elle implique des pensées négatives sur la faible estime de soi, le monde/l’entourage (ex. le monde est injuste), et l’avenir incertain ou sans espoir

La théorie événementielle fait appel à la notion d’homéostasie du sujet avec le milieu et à la notion de réaction du sujet qui, lors d’un événement, réagit pour recouvrer un nouvel équilibre satisfaisant avec l’environnement. Certains événements sont traumatiques et dépassent les possibilités adaptatives du sujet et entraînent un état dépressif.

Aujourd’hui et demain.

Découverte de marqueurs diagnostic de dépression

Le diagnostic de dépression est de nos jours exclusivement clinique. Les examens complémentaires tels qu’une imagerie cérébrale (scanner ou IRM du cerveau), le dosage des hormones thyroïdiennes, des enzymes hépatiques ou l’évaluation de la fonction rénale sont utiles pour éliminer une affection organique et parfois nécessaires avant la mise en route d’un traitement médicamenteux adapté. De nombreux scientifiques considèrent que cette pratique devrait prochainement disparaitre, au profit d’une approche intégrant à la clinique, des marqueurs biologiques, radiologiques, électrophysiologiques, cognitifs et/ou neurologiques. 

Intérêt des techniques de neuromodulations 

Différentes méthodes de stimulation cérébrale non invasives ont été évaluées dans les pathologies psychiatriques. La stimulation magnétique transcrânienne répétitive (SMTr), est déjà officiellement approuvée par la FDA (Food and Drug Administration), l’agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux, dans la dépression. D’autres techniques, telles que la stimulation transcrânienne à courant continu (tDCS) ou la stimulation du nerf vague font actuellement l’objet de nombreuses études. Certaines indications sont bien validées et ont franchi le stade de la recherche notamment la dépression pour la SMTr.  

L’intérêt de la kétamine pour les dépressions résistantes

La kétamine est un antagoniste N-méthyl-D-aspartate (NMDA) très proche du PCP (phéncyclidine). C’est un anesthésique général également utilisé à but récréatif comme stupéfiant. Des travaux récents ont montré qu’une perfusion a une action antidépressive très rapide (en quelques heures) contrastant avec le délai habituel de 15 jours des antidépresseurs. Des perfusions répétées, sur de petits groupes de patients souffrant de dépressions résistantes, se sont également avérés efficaces à court terme, voire à moyen terme. Les questions du maintien dans le temps de l’effet antidépresseur, de la supériorité éventuelle des injections répétées par rapport à une injection unique et du taux de réponse restent débattues. Ces résultats bien qu’encourageant demandent à être confirmés par de grandes études contrôlés qui permettront également d’étudier la sécurité d’emploi et le risque éventuel de conduites addictives ultérieures.

5. La prise en charge

Les médicaments.

Il existe 5 familles d’antidépresseurs (cf section correspondante). Les ISRS (inhibiteur de la recapture de la sérotonine), IRSNa (inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline) et les « autres antidépresseurs » sont les plus récents. Ils présentent moins de contre-indications et sont généralement mieux tolérés. Pour ces raisons ils sont proposés en première intention. Le choix du traitement antidépresseur doit tenir compte de la sévérité de la dépression, des anciens traitements testés (privilégier un traitement auquel la personne a répondu précédemment), des effets latéraux de la molécule (stimulante ou sédative) et des éventuelles contre-indications. Aucun antidépresseur n’a démontré une supériorité d’efficacité clinique par rapport à un autre.

Il est classique de distinguer trois étapes thérapeutiques avec différents temps de prise en charge : 

1. Traitement d’attaque jusqu’à rémission complète - 4-8 semaines

2. Traitement de consolidation pour éviter la récidive - au mois 6 mois

3. L’arrêt progressif du traitement antidépresseur en l’absence de dépressions récurrentes.

Les psychothérapies.

Plusieurs types de psychothérapies peuvent être utiles dans la prise en charge de patients souffrant de dépressions légères à modérées : les psychothérapies cognitivo-comportementales (grade* B), les psychothérapie d’inspiration analytique ou analytique (psychanalyse (accord professionnel) et les autres psychothérapies (groupe, soutien, familiale..) (grade* C).

Les grades A, B et C sont attribués aux recommandations selon le niveau de preuve scientifique attribué aux études sur lesquelles elles reposent. Un grade A correspond a une Preuve scientifique établie, un grade B à une présomption scientifique et à un grade C à un faible niveau de preuve scientifique.

L’hygiène de vie.

Pour les personnes souffrant de dépression, le maintien de conditions de vie les plus saines possibles est une priorité pour limiter l’impact de la maladie. Sont recommandés en particulier :

  • l’arrêt du tabac et du cannabis et des autres drogues, la limitation de la consommation d’alcool
  • le maintien d’une activité physique. En cas de difficulté, des applications gratuites sur smartphones permettent de faire des exercices à domicile sans matériel de sport 
  • le maintien d’une bonne hygiène de sommeil : lever à heure fixe, une ou deux siestes de vingt minutes maximum dans la journée, pas d’exposition aux écrans dans l’heure qui précède le coucher, température de la chambre à coucher entre 17 et 18 degrés, utilisation d’un masque de nuit et de boules quies si nécessaire
  • maintien d’une alimentation riche en fibres et en protéines (légumes verts, salades, légumineuses), réduction des féculents (privilégier le riz complet aux pates et pomme de terre), réduction de la viande (privilégier les viandes blanches comme la dinde) et des laitages (remplacer les yaourts par des compotes sans sucre ajouté). Certains antipsychotiques peuvent augmenter l’appétit et par conséquent la prise de poids, maintenir une bonne alimentation est capital pour le bien être, la motivation et l’énergie. Les sucres raffinés (par exemple dans les pâtisseries) et les graisses saturées (par exemple dans la Junk Food, certaines pizzas préparées) sont à diminuer au maximum.
  • maintien des contacts sociaux en favorisant les activités d’extérieur
  • maintien du contact avec la nature (parc, randonnées…)
Importance de l’hygiène de vie

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